L'espérance en mouvement
Magnifique. Une amie m'a partagé ce texte de l'archevêque de Strasbourg. Il est non seulement magnifique mais en plus il nous invite à sortir de notre grisaille, de notre nuit, de notre cafard et à nous relever. C'est un texte de résurrection qui appelle à se mettre debout et à agir. Que l'on soit croyant ou pas, Mgr Ravel nous propose ici une belle méditation pour nous ressaisir et reprendre notre vie en main.
(Paru dans Carrefours d’Alsace janvier 2021)
Billet de Mgr Luc Ravel
Un de mes prédécesseurs, Monseigneur Charles Ruch (1873-1945), avait pour devise : « Besognons et Dieu besognera. » Cette devise s’inspire d’une réplique de sainte Jeanne d’Arc (1412-1431), à la prise de Jargeau, le 12 juin 1429. Au procès de réhabilitation de Jeanne, le duc Jean II d’Alençon raconte ce fabuleux dialogue : « Les hérauts d’armes se mirent à crier " À l’assaut !" Et Jeanne me dit : "Avant, gentil Duc, à l’assaut !" Il me semblait qu’en commençant si promptement l’assaut, nous allions trop vite en besogne. Jeanne me dit : "Ne doutez pas. L’heure est bonne, quand il plait à Dieu il faut besogner quand Dieu veut. Besognez et Dieu besognera." »
Dans le feu de l’action, l’action de guerre que Mgr Ruch avait connu en 14-18 du côté français, mais aussi l’action de crise sanitaire ou sociale, il faut agir à la mesure et au rythme des événements et ne pas refuser l’obstacle en guettant quelques signes divins. Il faut agir sans attendre comme si Dieu agissait après notre action. Quand l’action est devenue nécessaire en raison des circonstances, agissons sans attendre une assurance de victoire certaine, agissons sans raison particulière d’espérer mais parce que c’est l’heure de l’action. Cette position sera rejointe par Guillaume d’Orange dans sa formule fameuse : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »
Pas plus que Jeanne d’Arc, Mgr Ruch n’avait l’intention de nier le rôle de la grâce ou de négliger les initiatives de Dieu. Il n’avait pas l’intention d’agir comme si Dieu n’existait pas. Cette dernière formule, loin d’encourager l’action, nous enfonce dans l’athéisme pratique et la perte de sens de la vie humaine qui lui est attachées.
Pour Jeanne d’Arc, l’heure de l’action quand elle s’impose à nous est aussi l’heure de Dieu, « l’heure est bonne, quand il plait à Dieu, il faut besogner. »
En ce début d’année 2021, après une année 2020 qui restera dans les mémoires au moins comme un désastre, nous cherchons des signes autour de nous, des signaux venus d’ailleurs que de nous : de Dieu, de la société, des autres. Et nous conditionnons notre action à ces signes. Or, à cinq siècles de distance, cet homme et cette femme du temps de la crise nous rappellent que l’heure est avant tout à l’action concrète : dans notre action sans retard. Dieu est, se révèle et fait luire l’espérance qui attire le cœur de l’homme au plus beau de l’amour.
Il y a une fuite à dénoncer dans la recherche exaspérée de « signes » autour de nous. Dans cette quête inquiète et assoiffée de raisons d’espérer, n’y aurait-il pas une façon (inconsciente) de démission ? C’est à nous d’être signes et raisons d’espérer pour les autres, en particulier pour ceux qui ne croient pas.
En temps de crise, l’heure de l’attaque est aussi l’heure de Dieu, Dieu en nous, Dieu auteur de notre énergie et source de notre amour.
Mgr Luc Ravel,
Archevêque de Strasbourg
In Carrefours d’Alsace janvier 2021