Retombées écologiques : bavure ou signe ?
L'année dernière, tandis que je poireautais dans une salle d’attente, j'ai commencé à feuilleter la revue Vie et Santé qui trainait négligemment sur une table basse. Et j'ai lu avec grand intérêt l'édito de Philippe Augendre.
Ancien journaliste, pasteur retraité de l'Église adventiste, diplômé en théologie, en sciences de la terre et en psychologie différentielle, il nous livre ici, une réflexion extrêmement pertinente et qui devrait inspirer nos parlementaires européens que nous venons d'élire.
Récipients de produits hautement toxiques égarés dans la Manche, marée noire en Alaska, sous-marin atomique perdu corps et biens en mer de Norvège, forêt amazonienne inexorablement assassinée, couche d'ozone trouée, pluies torrentielles sur la traditionnellement désertique Éthiopie, incidents dans telle ou telle centrale, etc. Liste de faits divers que chacun pourra aisément prolonger et que l'actualité allongera, hélas ! très probablement dans les semaines à venir. Bavures ou signes ?
Répondre « bavures », c'est croire que l'évolution technologique occidentale et sa domination de la terre sont fondamentalement bonnes, que le projet de l'homme, seule espèce intéressante de l'univers, est légitime et que son intelligence, à défaut de sa bonté, parviendra à corriger les inévitables petites erreurs de parcours. Crédibilité de cette hypothèse ? De jour en jour plus faible.
Répondre « signes », c'est, au contraire, croire qu'il y a quelque chose de vicié dans cette exploitation effrénée des ressources de la planète ; c'est croire qu'elles sont vicieuses, ces productions de moyens de plus en plus puissants, ces recherches insatiables de profits. Au risque, devenu maintenant très probable, de destructions irréversibles. Comme le disait récemment encore le commandant Cousteau, logiquement il n'y a pas de solutions.
La Révolution, dont on parle à propos de tout, devrait nous instruire aussi en ce domaine. Ne nous dit-elle pas que les rois (même innocents), un jour, sont détrônés, qu'un pouvoir mal utilisé (même involontairement) finit par se retourner contre lui-même ? Le pouvoir de la royauté actuelle, cette société de l'avoir, de la consommation, de la possession, cette civilisation exploitante, inhumaine, ingénieuse dans ses moyens de destruction, est une Bastille apparemment imprenable. Pourtant, le ver est dans le fruit témoin cette générosité naïve, mais dangereuse, qui génère des maux là même où elle voulait les conjurer (engrais devenus poisons, antibiotiques créant des souches plus dangereuses, etc.). Cela me fait penser à Marie-Antoinette, qui suggérait à ceux qui n'avait plus de pain de manger des gâteaux ! Mais si, aveuglée par son pouvoir, cette humanité néglige de bien interpréter les signes avant-coureurs d'une autre révolution, si elle les baptise un peu facilement « bavures », elle risque d'être plus surprise encore que l'innocent Louis XVI, et balayée, et avec elle l'espèce humaine, comme un fétu devant la nature en colère.
L'idée que j'exprime n'est pas nouvelle. Il y a près de deux mille ans, le prophète Jean ne disait-il pas, dans le livre de l'Apocalypse, qu'un jour Dieu lui-même allait se fâcher et « détruire ceux qui détruisent la terre » ?
La priorité des priorités, selon moi, c'est donc de développer, d'extrême urgence, une conscience et une action écologiques. Il serait peut-être intéressant d'y penser alors que se construit l'Europe parlementaire
Éditorial de Philippe Augendre in Revue Vie et Santé, juin 1989