Pourquoi les prêtres ne peuvent pas se marier ? Pourquoi le célibat des prêtres ?
Ceci est un article de fond qui essaie de traiter la question dans son ensemble. Prenez-le temps de le lire jusqu’au bout.
Pourquoi les prêtres sont célibataires ? Ceci est un article de fond qui essaye de traiter la question dans son ensemble. Prenez-le temps de le lire jusqu’au bout.
Certains disent que le célibat est une invention moderne ou tout moins existant seulement depuis le Moyen-Âge. C’est faux. L’idée du célibat existe depuis l’origine du christianisme. Dans l’Évangile de Matthieu (Mt 19,11-12) on trouve déjà cela : « Jésus leur répondit : "Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. Il y a des gens qui ne se marient pas car, de naissance, ils en sont incapables ; il y en a qui ne peuvent pas se marier car ils ont été mutilés par les hommes ; il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du royaume des Cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne !" » Si le célibat n’est pas une obligation dans les premiers temps du christianisme (certains apôtres étaient mariés), le célibat est cependant exalté par les Pères de l’Église. Il est rendu obligatoire dès la naissance des communautés monastiques (IIIe siècle).
C’est à partir du concile d’Elvire, en 306, que le célibat des prêtres n’a cessé d’être affirmé en passant par les décrétales du pape saint Sixte (386), les instructions d’Innocent 1er (402-417).
325 : Concile de Nicée : après une ordination, un prêtre ne peut plus se marier. Le Credo de Nicée est proclamé.
385 : le Pape Siricius abandonne sa femme pour devenir Pape. Il est décrété que les prêtres ne peuvent plus dormir avec leur femme.
567 : second Concile de Tours : tout ecclésiastique trouvé dans son lit avec sa femme sera excommunié pendant un an et réduit à l'état laïc.
1045 : le Pape Boniface IX se dispense lui-même du célibat et se démet de sa fonction pour se marier.
1074 : le Pape Grégoire VII dit que quiconque doit être ordonné, doit faire d'abord vœu de célibat.
C'est en 1139, au cours du second concile de Latran I, dans la droite ligne de la réforme grégorienne, que la loi canonique a établi que le mariage d'un prêtre serait désormais considéré comme nul (cela signifie qu’il était déjà interdit). Au moment de la Réforme catholique au XVIe siècle, le concile de Trente réaffirma l'obligation de célibat pour les ministres ordonnés.
Tous les chrétiens sont appelés à aimer Dieu. Le célibat pour les prêtres est une façon particulière de vivre cet appel à l'amour. Comme Jésus-Christ – resté célibataire pour faire alliance avec tous les hommes – le prêtre renonce à aimer une personne en particulier afin d’être disponible à aimer toutes les personnes. Le prêtre, de par son célibat, est un signe de l'amour total de Dieu pour l’humanité. Ce signe a toujours été un signe de contradiction, un signe paradoxal au nom de l’Évangile. Il pose question. Si cet homme renonce à la fécondité, au plaisir, au nom de Dieu, qu’est-ce que cela signifie ? La réponse est simple : le célibat pour le Seigneur proclame que Dieu peut combler un cœur. Profondément. Durablement. Il s’agit de vivre avec un cœur sans partage pour Dieu seul, en étant au service des communautés chrétiennes vers lesquelles les prêtres sont envoyés par leur évêque. Le célibat a une dimension eschatologique. Autrement dit, le célibat choisit par le prêtre et vécu dans la joie est un signe prophétique. Il rappelle que nous sommes appelés à aller vers Dieu. Il annonce le monde à venir. Il dit que l’homme n’est pas fait seulement pour cette terre, que le couple n’est pas le passage obligé de l’agapè. Qu’au-delà de ce monde que nous construisons ensemble, c’est le Royaume qui est déjà là mystérieusement présent. Le pape Paul VI disait : « Le chrétien habite le monde en venant à lui à partir de son avenir. » Le célibat du prêtre est un signe visible du royaume définitif de Dieu où comme le dit Jésus : « Nous n’aurons plus de maris ni de femmes. » (Mt 22,30) Le célibat, même s’il empêche une fécondité « terrestre », n’est pas stérile. Le célibat est une ouverture à une grande fécondité, il est vrai différente de celle d'un couple, mais tout aussi riche. C’est pourquoi le prêtre est appelé, par tradition, « père ». Quand le prêtre se donne à l’humanité comme un père, il peut transmettre la vie aux personnes. Le célibat permet donc une disponibilité totale et de tout instant. Loin d’enfermer le prêtre dans sa tour d’ivoire, l’appel au célibat est d’abord un appel à la communion Le prêtre, serviteur non seulement de sa communauté, mais aussi des hommes et des femmes de ce monde (croyants ou non), peut se donner afin d’être un frère, un père. Sans les soucis inhérents à la vie de couple et/ou à la vie de famille, il est disponible. Le célibat peut être également l’occasion de développer des espaces de silence qui permettent de se nourrir intérieurement, qui régénèrent et qui conduisent souvent à mieux se connaître.
- Célibat non choisi
En Occident et plus particulièrement en France ou la société prône la revendication des choix individuels et la libre disposition de soi, le célibat est donc le mur à abattre. Sur de nombreux forums, les internautes parlent du « diktat » de l’Église vis-à-vis du célibat. On oblige le prêtre à vivre le célibat. Ce sont ici les tripes qui parlent et non la raison. Donc réfléchissons. En général, lorsqu’une personne envisage de se marier, elle choisit une personne et promet d’y être fidèle. Cela signifie qu’elle renonce de facto aux autres personnes. De même, lorsqu’un couple décide d’avoir un enfant, ils s’engagent à s’occuper de l’enfant. Lorsqu’un jeune homme entre au séminaire afin de se préparer à la prêtrise, il sait dès le départ que le célibat sera son chemin. Par conséquent, il choisit le célibat librement. Nul n’est tenu de rester célibataire : ce serait faire violence à la personne humaine. Par conséquent, il incombe à chaque homme qui veut choisir le chemin de la prêtrise, de s’interroger et de se déterminer en fonction de ses propres capacités. C’est l’Église, et elle seule, qui se fait une obligation de n’appeler au ministère de prêtre que des personnes qui, librement, se sont engagés, au départ, au célibat. En d’autres termes, si la personne ne se sent pas capable de vivre une vie consacrée dans le célibat, elle doit alors renoncer à ce type de vocation. Il y a d’autres manières de servir le Christ.
- Déséquilibre de la vie affective
Il n'y a jamais eu autant de célibataires qu’à notre époque. Pourtant, dans la société française, le célibat fait peur, il dérange. La norme est celle du couple, voire du mariage. Par conséquent, on vient à suspecter le célibat des prêtres. Pour certain, le célibat serait la source des problèmes d’affectivités, car c’est une violence faite à l’homme et à son équilibre. Pour d’autres, le célibat serait le résultat d’un déséquilibre affectif. Source ou cause donc !
D’abord, aucune étude sociologique ou psychologique n’a prouvé que le célibat conduise à des déviances. La propension à la déviance, à l’homosexualité et aux abus sexuels n’est pas plus grande chez les célibataires. La preuve évidente, c’est qu’il y a beaucoup de célibataire en France (sans être prêtre) et pourtant il n'y a pas plus de pédophile parmi eux. Ensuite, on sait que parmi les 5500 agressions sexuelles répertoriés en 2000 (chiffres donnés par le Service National d'Accueil Téléphonique pour l'Enfance Maltraitée), 75% d’entre elles étaient des cas d'inceste (autrement dit la majorité des abus sexuels ont lieu au sein de la famille). Si on se réfère aux professions des pédophiles. Il est très difficile de trouver des chiffres. Cependant, ce que l’on peut dire c’est que les pédophiles par exemple sont nombreux dans les milieux éducatifs et associatifs. Une étude de 1996, révèle que 72% des agresseurs sexuels sont des employés ou ouvriers, 16% sont des cadres, 13% sont sans activité professionnelle et les catégories agricoles représentent seulement 1%. Un rapport américain quant à lui, estime que les instituteurs, qui représentent 5% de pédophiles avérés, risquent de malmener les mineurs trois à quatre fois plus que les prêtres (1,5% à 1,8% cas de pédophiles). Et 3 à 12% des psychologues ont eu des contacts sexuels avec leurs clients.
- Diminution des vocations
L’argument habituel est de dire : « marions les prêtres et ça va faire venir des vocations ». Sans doute, dans une société hyper-sexualisée, est-il plus difficile qu'auparavant de vivre le célibat mais cela n’entraîne pas la chute des vocations. Quelques arguments. Tout d’abord, croire que la fin du célibat augmenterait le nombre de vocation est une pure hypothèse car aucune donnée statistique ne vient soutenir cette idée. Ensuite, il est vrai que « les gens » souhaiteraient que les prêtres aient la possibilité de se marier. Mais dans la réalité, nous n’entendons jamais « je serais bien devenu prêtre mais à cause du célibat je renonce ». Les prêtres eux-mêmes, dans leur ensemble (ce qui n’exclut pas les exceptions), pense que le célibat est plutôt une bonne chose. C’est deux aspects tendent à prouver qu’il n’y aurait pas une augmentation majeure d’ordination. Dernier élément de réponse. Les pasteurs protestants peuvent se marier ainsi que les popes orthodoxes mais ils ne croulent pas sous les vocations.
- Il rend aveugle aux problèmes
On présuppose que le célibat est mauvais et que seule, la voie du mariage, est possible Le prêtre, de part le célibat, serait enfermé dans son monde et dans l’impossibilité de comprendre les problèmes de société. Le célibat disqualifierais son discours sur la famille, le mariage, la sexualité, etc. Première réponse. Si on tient ce genre de raisonnement alors il faut aller jusqu’au bout de la logique. Faut-il que le policier soit un criminel pour mieux arrêter les criminels ? Le kinésithérapeute doit-il se couper une jambe pour mieux rééduquer ceux qui sont unijambistes ? On pourrait multiplier les exemples à l’infini. On voit donc bien qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le fait d’être marié et de pouvoir accompagner les couples et les familles (sinon que devrions-nous penser des psychologues célibataires !!!). Deuxième réponse. Le prêtre est amené à rencontrer des centaines voire des milliers de familles. Des jeunes, des vieux, des biens portants et des malades, des riches et des pauvres. Le prêtre rencontre toutes les couches de la société. En dehors du fait que chaque prêtre a reçu pendant sa formation des cours d’anthropologie, de sociologie et de psychologie, au fil des années, il a appris sur le terrain en rencontrant les familles. Dans les temps d’accompagnement individuel, ou bien pendant les temps de confession (sacrement de réconciliation), le prêtre a peu à peu acquis une certaine compétence par rapport aux familiaux, de couples ou de sexualité. Loin d’être aveugle, il gagné une certaine expertise en ce qui concerne l’humain.
- Chez les protestants et les autres religions il n’y a pas le célibat.
C’est vrai et c’est faux. D’abord, avant de faire des amalgames il faut comprendre que les statuts ne sont pas les mêmes d’une religion ou tradition religieuse à l’autre.
- Dans les églises protestantes Les pasteurs, hommes ou femmes, ont le droit de se marier, mais peuvent rester célibataire s’ils le souhaitent. Cependant, pour être tout à fait juste, et sans vouloir polémiquer, il faut savoir que certains pasteurs pensent que le célibat dans l’Église catholique n’est pas une si mauvaise chose. D’autre part, on entend ici et là des plaintes de la part d’enfants de pasteurs qui se sentent délaissés à cause de l’engagement que cela demande.
- Dans les églises orthodoxes Depuis le Concile in Trullo en 691, dans le monde orthodoxe (comme dans les églises catholiques orientales), on peut ordonner prêtre un homme déjà marié (par contre, on ne peut se marier après l'ordination). Les popes peuvent être mariés mais les évêques sont choisis parmi les moines et sont donc célibataires.
- En Islam Les imams et les savants ne sont pas soumis au célibat. Mais la comparaison s’arrête là car le rôle de l’imam n’est pas celui du prête, ni même les fonctions. L’imam est choisi par les fidèles en fonction de sa connaissance du coran et de la tradition. Il ne fait pas partie d'une structure hiérarchique. Il peut être "licencié" s'il n'accomplit pas sa mission.
- Dans le Judaïsme Le rabbin, est avant tout un maître, un enseignant, un guide spirituel. Il enseigne la loi et répond aux questions qui se posent tant sur le plan rituel et liturgique que dans les conflits familiaux ou dans les différents entre individus. Il est nécessaire d'être marié pour être rabbin.
- Dans le Bouddhisme. Il n’y a pas de prêtre en tant que tel. En revanche il existe le monachisme. Tout le monde connait les moines bouddhistes. Ces moines sont célibataires.
- Dans l’Hindouisme Il n’existe pas de clergé mais la tradition hindoue reconnait une place particulière aux ascètes tels que les sannyāsins et les sādhus. Ce sont des renonçants qui vivent le célibat.
Si le célibat n’est pas vécu de l’intérieur, c’est-à-dire si celui qui se prépare à la prêtrise considère le célibat comme une sorte de « boulet au pied » ou de « mur infranchissable », alors il serait préférable qu’il vive autrement sa vie de baptisé.
Le célibat des prêtres n’est pas de l’ordre du dogme, mais il est d’ordre disciplinaire. Par conséquent, si un pape décidait de supprimer le célibat, cela ne remettrait pas en cause la foi.